À PROPOS

Depuis décembre 2019, la communauté de l’Infini (à Montréal) a organisé plusieurs discussions ouvertes explorant les enjeux actuels à l’intersection de la culture Queer, du féminisme intersectionnel, et des communautés d’habitation intentionnelles.

L’idée derrière ces rencontres est de pouvoir faire un retour sur les expériences d’une multitude de personnes ayant vécu en communautés ou côtoyé celles-ci et mettre en commun les apprentissages qui nous ont fait évoluer récemment.

Ce qui suit est un compte-rendu des idées que nous avons commencé à approfondir ensemble ainsi que celles que nous souhaitons approfondir davantage.

Table des Matières

IDENTITÉ

L'aspect Queer inhérent des échanges entre membres de communautés

De quelle façon est-ce que voir les relations entre personnes habitant en communauté en tant que relations Queer peut nous aider à mieux les aborder et les développer de manières saines et pleinement conscientes?

Dynamique individuelle avec la communauté: Une relation polyamoureuse romantique?

L’amour profond qui peut être ressenti envers la communauté permet une plus grande implication émotionnelle dans celle-ci. Apprendre à cultiver cet amour est bénéfique pour l’épanouissement de cette communauté ainsi que pour la personne qui s’y adonne. Comment peut-on comprendre l’entremêlement émotionnel entre individus et communautés en tant que relation où l’on donne et reçoit, où on est parfois présent et où l’on doit parfois prendre du recul, où il faut apprendre à reconnaître ses limites et les respecter? Quand faire du self-care, et quand faire du care de groupe?

D’autre part, comment est-ce que visualiser notre relation à la communauté dans son ensemble (un peu comme une personne morale) nous permet de mieux comprendre et d’appréhender les fluctuations des sentiments que l’on peut porter à son égard? Cette relation est nécessairement polyamoureuse car d’autres relations existent (ne serait-ce qu’avec les autres membres de la communauté), et qu’il est nécessaire d’apprendre à jongler entre ces relations pour son bien-être et celui des autres. Elle encourage aussi l’abolition de la jalousie entre les membres ainsi que l’aspect de compétition qui est inhérent au fonctionnement de notre société.

Cette relation avec la communauté peut aussi être vue comme étant romantique car il existe un élément de fantaisie, d’utopie, et de magie dans les développements d’exploration des communautés, ne serait-ce que dans leur champ des possibles. De quelle façon est-ce que cette manière de réfléchir à propos de l’engagement avec la communauté sous un angle polyamoureux romantique peut nous aider à mieux échanger et à mieux se comprendre en communauté?

Tracer la ligne entre l'individuel et le collectif

Que faire quand nos limites, besoins, désirs, projets, aspirations, et valeurs fondent avec ceux de la communauté? Comment différencier le moi du nous lorsque l’on cherche à se respecter soi-même? Où tracer la ligne entre moi et nous dans un contexte décisionnel collectif? Comment se définir comme une personne à part entière après avoir défini un collectif qui nous définit par la suite? Comment devrions-nous accueillir nos émotions dans ce contexte?

Diminution du besoin d'unicité individuelle et liquéfaction des identités au sein d'un safer space collectif

Quel est le manque qui pousse à une recherche d’unicité individuelle dans la culture globale? Possiblement, en communauté, ce besoin d’identité se fait combler par le rayonnement de l’identité collective au lieu d’être un combat individuel constant. Ceci est possiblement un phénomène plus présent si l’identité collective est niche car le sentiment d’unicité est préservé au-delà de la collectivité.

Liquéfaction des genres et de leur signification dans des espaces déconstruits

Comprendre l’influence des espaces genrés par leur contraste avec les espaces peu genrés: lorsque les stéréotypes ne sonnent plus les cloches de la norme, à quoi donc comparer le genre sinon à des tangentes perçues. Possiblement, quand le genre devient descriptif au lieu de normatif, il perd de son intérêt.

Est-ce nécessaire de cristalliser les identités non-reconnues?

Dans quelle mesure est-ce qu’une cristallisation des identités est une étape nécessaire pour l’émancipation de ceux.ses qui ne seraient pas autrement reconnu.e.s et accepté.e.s en société? En d’autres mots, avons-nous besoin de poser des étiquettes pour légitimer les identités qui seront par la suite à liquéfier? Existe-t-il des alternatives à cette stratégie?

VULNÉRABILITÉ

Création de communs émotionnels malléables au sein des communautés

L’exploration de la vulnérabilité émotionnelle est au cœur de beaucoup de communautés intentionnelles. De quelle façon ces structures organisationnelles forgent un “commun émotionnel” disponible pour, et malléable par les individus qui les composent à travers la vulnérabilité émotionnelle consciente?

Comprendre la vulnérabilité au sein d'une bulle d'intimité émotionnelle collective

Matérialiser le concept d’espace personnel en tant que bulle. Imaginer les bulles d’intimité collectives en tant qu’espaces de vulnérabilité où les murs physiques servent de murs émotionnels.

Comprendre la culture du care en tant que symbiose de la vulnérabilité et de la solidarité

Comment est-ce que se présenter émotionnellement est un acte politique luttant contre les attentes de notre société patriarcale? De plus, comment est-ce que le collectif et la vie en collectivité peuvent bénéficier de la douceur radicale?

Vulnérabilité consciente en dehors des safer spaces

Dans plusieurs milieux collectifs, une vulnérabilité consciente est encouragée et explorée. Celle-ci fait partie de la tell culture qui encourage une transparence à propos des émotions ressenties, du partage de ses insécurités, et d’une confiance en la bienveillance de ses pairs. La tell culture offre aussi une grande ouverture à la discussion lorsque qu’on se sent inconfortable (même pour des tous petits détails) pour éviter que des choses s’enveniment. En d’autres mots, une approche symbiotique à l’honnêteté radicale et à la communication non-violente. Comment pouvons-nous vivre avec une vulnérabilité consciente en dehors des safer spaces?

Dans quelle mesure est-ce qu'une plus grande conscience de son corps peut être nuisible?

Dans quels contextes est-ce qu’une plus grande conscience de son corps amène à une meilleure gestion du stress par une écoute de soi et une paix intérieure plus forte au lieu du développement d’une hypersensibilité qui rend plus difficile une stabilité émotionnelle par l’entremise d’une plus grande identification à ses émotions? De plus, de quelles façons est-ce qu’avoir développé une hypersensibilité peut s’avérer spécialement néfaste dans des contextes de stress, notamment chez des personnes moins privilégié.e.s qui sont déjà à la merci d’oppressions systémiques ou de circonstances défavorables? Finalement, est-ce qu’une plus grande conscience de son corps devrait être encouragée à travers une éducation systémique?

CONSENTEMENT

Exploration du consentement au sens large

Comment pouvons-nous comprendre le consentement en tant qu’outil pour transformer la société? Quelles sont les différentes formes que le consentement peut prendre et comment les visualiser en tant que couches de moins en moins superficielles? En d’autres mots, de quelle façon pouvons-nous décortiquer le concept du consentement pour mieux comprendre ses implications?

Approfondissement de la notion de consentement éclairé

Pour pratiquer un consentement éclairé, il est important d’arriver à poser ses limites de manière verbale et non verbale, de savoir exprimer et recevoir le “non” et le “fuck yes!” mais aussi de savoir comment agir lorsque nos désirs sont des zones grises. Quels outils concrets permettent de mettre ces concepts en pratique?

Réappropriation corporelle et consentement

La réappropriation corporelle est le fait d’initier, d’explorer et d’approfondir la relation d’intimité et de confiance que l’on entretient avec son propre corps. Pourquoi le consentement, un concept plutôt facile à comprendre en théorie, semble-t-il aussi difficile à pleinement mettre en pratique pour plusieurs d’entre nous? Et quel est le lien entre celui-ci et la réappropriation corporelle?

Comprendre ses désirs à travers une écoute profonde des sensations corporelles

Nos désirs, non-désirs et ambivalences peuvent se révéler à nous d’une multitude de façons, entre autres au travers des sensations corporelles. Comment développer une écoute profonde de ce qui s’exprime au sein de son corps?

Lectures alternatives: modèles pour penser différemment

Quelles transformations de narrative pourraient nous amener à voir et à vivre les choses différemment, de façons plus saines et bienveillantes? Par exemple, la réception du non passerait d’une narrative où l’on se sent rejeté à une où on sent que l’autre personne s’écoute.

COMMUNICATION

Besoin de médiation extérieure hebdomadaire dans les communautés

Que faire de la récurrence du besoin de médiation hebdomadaire intra-communauté par l’entremise d’un suivi d’un.e travailleur.se social ou d’un.e psychologue, qui a été partagée par les membres de plusieurs communautés? Quels mécanismes peuvent être mis en place pour diminuer ce besoin? Ou au contraire, est-ce que ce genre de suivi appliqué de façon permanente serait une meilleure solution à long terme? D’où vient la réticence à faire venir des médiateur.ice.s extérieur.e.s, et que faire pour palier à cette réticence dans les cas où ce serait nécessaire pour le bien-être collectif?

La confrontation comme outil de réduction de conflits

Plusieurs communautés cultivent une culture de l’honnêteté qui mène à une plus grande ouverture à des confrontations régulières sur des sujets qui auparavant n’auraient pas suscité de discussions particulières. Quels sont les bénéfices, à long terme, d’une telle ouverture à la confrontation, lorsque pratiquée dans la bienveillance et comment cela contribue-t-il à harmoniser les échanges au sein des communautés?

Limites de la communication non-violente

Dans quels contextes est-ce que la communication non-violente n’a pas sa place? Dans des milieux déjà engagés dans une culture du care, dans quel contextes une communication dite “violente” est plus efficace à rétablir l’harmonie à long terme? Serait-il parfois légitime dans certains contextes d’être hyper direct.e ou violent.e dans ses propos (par exemple, si quelqu’un fait du tone policing)?

Retour sur la culture du call-out

Quand devrions-nous prioriser des call-out au lieu de calls-in? En d’autres mots, quand devrions-nous reprendre quelqu’un en public (souvent avec un position d’autorité), au lieu de reprendre quelqu’un en privé (souvent avec une discussion et dans le care)?

Instrumentalisation de la communication non-violente: Un enjeu politique?

Utiliser la communication non-violente comme outil de pouvoir établissant une hiérarchie du contrôle de soi. L’utilisation perverse de la démonstration du contrôle de soi en tant qu’outil d’oppression individuel et systémiquement raciste.

PATRIARCAT

Impacts du patriarcat

Les impacts du patriarcat ne sont pas les mêmes pour les personnes assignées hommes que pour les personnes assignées femmes. Une façon de mieux conceptualiser ces impacts est de considérer deux types de privilèges et d’oppressions: les privilèges et non-privilèges internes, qui ont trait à comment on vie et comment on gère ses émotions, communique ensemble, et prend soin de soi; et les privilèges et non-privilèges externes, qui ont trait au monde matériel et aux (manque de) privilèges qui y sont reliés. Quels sont les privilèges et non-privilèges qu’on n’a jamais mis en lumière?

Rôles des personnes assignées homme contre le patriarcat

Nombre de luttes contre le patriarcat ont été menées par des personnes assignées femmes. Pour dépasser la conceptualisation d’allié.e, quels sont les rôles que les personnes assignées hommes peuvent prendre contre le patriarcat?

Outils pour développer une culture féministe dans la vie quotidienne

Comment faire une synthèse des outils féministes actuels pour éviter le mansplaining, la division discriminatoire des tâches, et le travail invisible dans des communautés peu engagées dans les luttes féministes?

Mixité choisie et manque de diversité dans les communautés

La mixité choisie peut grandement faciliter une ouverture à une vulnérabilité consciente entre personnes marginalisées et ainsi permettre une émancipation individuelle, une compréhension mutuelle, et une meilleure cohésion de groupe. Dans quelles circonstances est-ce qu’une mixité choisie devient une exclusivité toxique et n’a pas sa place? Ainsi, que faire pour palier au fait que le tissu social intra-communauté est très souvent homogène en ce qui à trait à la culture, aux classes sociales, à l’âge, et à l’éducation, pour ne nommer que quelques exemples?

Comment réconcilier notre tête (la théorie) qui nous invite à suivre nos valeurs d’inclusivité et notre cœur (la pratique) qui nous associe à des personnes qui nous ressemblent? Où est la ligne entre faire de la discrimination et se regrouper entre groupe d’affinité? Comment encourager la diversité sans faire de la tokenisation ou du racisme positif?

Par son existence, un héritage culturel en exclut d’autres. Comment se réconcilier avec le fait que les héritages culturels sont exclusifs par défaut? Comment comprendre les impacts de la taille des espaces sur les évaluations normatives des systèmes décisionnels? En d’autres mots, quelles structures organisationnelles sont préférables à chaque échelle (collocation, collectif, regroupement de collectifs, quartier, municipalité, région, nation)?

Empowerment et reconnaissance au sein des communautés

Il est important de reconnaitre que les personnes moins privilégiées doivent bien souvent mettre plus d’effort pour recevoir la même reconnaissance qu’une personne plus privilégié pour les mêmes résultats. Comment déconstruire les conditionnements implicites par lesquels ces personnes moins privilégiées sont moins prises au sérieux et moins écoutées? De plus, comment les encourager à remarquer ce conditionnement et à se sentir légitimes de prendre leur place?

ÂGISME

Hiérarchie âgistes au sein des communautés

De quelle façon est-ce qu’une hiérarchie âgistes peut prendre forme au sein des communautés lors d’écarts d’âge majeurs entre les membres? Quelles sont les oppressions qui peuvent voir le jour lorsque les personnes en position d’autorité sont les plus âgées, et comment diffèrent-elles de celles où ce sont les personnes plus jeunes qui sont en position d’autorité? Comment pouvons-nous mieux conceptualiser les oppressions âgistes et quels mécanismes peuvent être mis en place pour les diminuer?

La place des personnes âgées dans les communautés en marge

Nombreux.ses sont ceux et celles qui aspirent à vivre en communauté à long terme. Comment envisager l’augmentation du besoin de confort et une perte d’autonomie qui vient avec le vieillissement? De quels mécanismes est-ce que les communautés intergénérationnelles peuvent se munir pour accompagner les personnes âgées?

Le droit des enfants né.e.s dans les communautés en marge

Les enfants qui naissent dans des communautés en marge sont exposé.e.s à une façon de vivre qui découle de la communauté dans laquelle illes ont grandi.e.s. Quels sont les droits de ces enfants-là en ce qui touche le choix de leur propre développent et la façon dont illes sont considéré.e.s par rapport aux adultes?

COLONIALISME

Retour à la terre: Un rêve colonial?

Le Retour À La Terre™ est un rêve de beaucoup de gens ayant habité toute leur vie dans des centres urbains. L’idéalisation d’un retour à la terre dans ces milieux est souvent synonyme de colonialisme, et risque de contribuer à l’oppression des personnes autochtones qui habitent encore ces terres. Comment réconcilier ce désir de nature, d’écologie, et d’autosuffisance avec les luttes autochtones actuelles?